Libmag 41

Lisette fait son marché

- Hé ben voyez-vous, Monsieur le Journalis’, autant je peux vous titiller et vous asticoter parfois sur votre prose et vos infos un peu douteuses, autant je sais reconnaître quand vous avez des initiatives intelligentes et culturelles!

- Mais que se passe-t-il ma Chère Lisette ? Ne voilà-t-il pas que vous me faites des compliments ? Vous m’en voyez tout honoré et tout émoustillé, venant de vous !…

- De suite, les grands mots ! Je vous dis simplement, Cher Gratte-papier, que votre rubrique « C’est où la Chine » nous est très utile à ma voisine, la Martine, et à moi-même. Mais d’ici a en être honoré et vous prendre pour l’Emile Zona, y a quand même de la marge et le fait de recopier des dates de vide-greniers sur Internet et de les reproduire dans votre opuscule ne vous fera pas gagner le prix « Poulidor » des grands reporters ! Mais j’en conviens, l’idée est bonne et bien pratique pour organiser nos dimanches de célibataires à chiner entre filles dans le libournais.

- Il y a au moins une chose qui aura capté votre intérêt dans notre magazine, ce qui en soit est déjà exceptionnel et à marquer d’une pierre blanche vu votre esprit oh ! combien critique et vos réflexions souvent assassines ! Mais venant de vous, Chère Amie, je serais même prêt à supporter les foudres de l’enfer et me contenter de cette amicale remarque qui me comble de jouissance!

- Qu’est-ce qu’il me raconte celui-là ? Faudrait atterrir Môssieur le Journalis’ ! Je vous disais que ma voisine et moi étions adeptes des vide-greniers et que nous n’en rations pas un lors de nos sorties dominicales dans un rayon des quelques kilomètres raisonnables pour nos Vélosolex. Et puis c’est sain et vivifiant comme activité. Voyez donc ; j’en connais certains qui, se traînant toute la semaine au boulot comme des âmes en peine, et ne pouvant même pas soulever le moindre petit balai ou ramasser la moindre petite cagette vide au risque de se voir le dos bloqué par quelques hernies étranglées, lumbagos ou sciatiques et devoir être au « ticket » advit aeternam! Et bé, j’en connais, disais-je qui se trouvent miraculeusement guéris et revivifiés dès qu’arrive le dimanche. Ravigotés  par le grand air campagnard de nos vide-armoires, brocantes et vide-greniers ! Qui galopent comme de jeunes gazelles et te soulèvent une armoire bretonne comme qui rigole !!! Je vous le dis ; le vide-greniers, c’est magique, et ça te requinque n’importe qui à tel point que le mètre linéaire devrait être pris en charge et remboursé par la Sécurité Sociale à ces brocanteurs du dimanche.

- Il me semble déceler une pointe d’ironie dans votre propos, Chère Amie ? N’auriez-vous pas repéré certains tire-au-flanc de la fonction publique?…Attention à ne pas être tentée par la délation Madame Lisette !

- Pas du tout Monsieur le Journalis’. Ce serait plutôt de la délectation et même de l’admiration devant ces semi-professionnels du vide grenier. Ces hommes et femmes qui, non contents de se taper leur petite semaine de turbin, se lèvent le dimanche à des heures qui n’ont pas de nom pour nous combler de bonheur et nous faire découvrir, à nous les chineurs, tous ces petits trésors glanés pendant la semaine, ces antiquités de demain comme disait l’autre. Ma voisine est même tombée sur une casserole émaillée qu’elle avait balancée à la déchetterie parce que les décalcomanies étaient un peu fanées. Une casserole qu’elle avait achetée chez Madame Sole à l’époque où cette brave dame tenait la quincaillerie rue Fonneuve à Libourne. « Objet d’Art Populaire du XX° siècle » était écrit au feutre sur le cul de l’ustensile, que cette petite gourde (ma voisine) a failli racheter pensant qu’elle avait jeté une pièce unique de collection…. Pour vous dire ! C’est toute la magie de ces vide-greniers.

- Vous avez du remarquer, Chère Lisette, que notre brocante mensuelle de Libourne, celle du second samedi de chaque mois, se déroule maintenant sur l’esplanade François Mitterrand et non plus place Abel Surchamp.

- Et puis là, faut pas mélanger les serviettes avec les torchons, c’est du sérieux et du vrai professionnel. Là, on joue dans la cour des grands ! Que de belles choses mon Ami et croyez-moi, c’est pas de la gnognote et de la roupie de sansonnet. C’est le rendez-vous des amoureux, des bouquinistes et des antiquaires. Le beau bibelot côtoie l’édition rare et l’objet collector. C’est pas l’ami Jean-Luc Maugein, l’antiquaire d’Abzac qui va me contredire et que j’ai vu fouiner avec son œil avisé de pro et son nez fin. C’est comme pour les champignons, il sait gratter où il faut pour accompagner l’omelette! Que voulez-vous, il en faut bien pour tous les goûts et toutes les bourses Monsieur le Journalis’. En attendant, je vais aller faire mon petit marché et tailler le bout de gras avec mes commerçants, histoire de m’informer des quelques cancans qui pourraient courir sous nos arcades. A la revoyure !