LibMag 59

A la claire Lisette...

- « Voyons, les Amis, un peu de courtoisie, je vous demande de respecter l’avis de chacun et qu’à ma connaissance, devant l’envergure que cette affaire prend, je crois savoir que la municipalité devrait organiser un référendum. » dit le Monsieur toujours bien habillé que nous appelions «le Baron», sans savoir s’il l’était, baron, duc ou vicomte. «Le Baron», lui allait si bien. Son élégance, sa tenue et la bagouse frappée d’une fleur de lys confirmait l’impression de noblesse qu’il dégageait. 
Le journaliste qui avait rejoint le groupe et qui tendait l’oreille intervint.

-« Regardez plutôt ce qui nous arrive ! L’encyclopédie vivante du cancan libournais, la mémoire vive du «on-dit et du qu’en dira-t-on», notre bavarde, commentatrice préférée; notre Lisette Nationale qui devrait nous départager sur l’historique de la chose et nous donner son avis toujours éclairé sur l’ancienneté de cette fontaine…N’est-ce pas Chère Lisette ? »

- De quoi, Monsieur le Journalis’. Qu’est-ce que vous voulez  incinérer avec vos mielleuseries, que je ne connaitrais pas l’histoire de la ville qui m’a vue naître et en particulier de ses monuments, dont cette fontaine qui me paraît être votre sujet de discutailles ? Il y plus de quarante ans, c’est pas vous, jeune Freluquet, qui passiez des journées entières sous antidépresseur, Valium, Relax-max, et Détensax afin d’essayer de supporter les grands coups de butoirs qui martelaient inlassablement les immenses pieux qui, en s’emboitant formaient le caisson du futur parking souterrain. POUM !...POUM !...ça raisonnaient dans toute la ville en faisant trembler, le sol, les murs, les vitres  jusqu’au tréfonds de nos moelles pépinières. Cette énorme marteau accrochée à un filin et jetée depuis la flèche d’une des grues de chez Moreau s’écrasait sur les pilonnes. Régulièrement, comme la goutte de cette torture chinoise. Une goutte de quelques tonnes qui, à chaque coup enfonçait de quelques centimètres ces pieux dans le ventre de notre cité, dans ce trou béant et marécageux qui, plus tard deviendrait le parking souterrain avec ses trois sous-sols. POUM !...P OUM!...Il fallait avoir les nerfs drôlement solides à l’époque pour supporter ces grands travaux. Je crois bien que c’est depuis ces jours-là que le bègue est devenu bègue !

- «ah queuuuuuu !!!....Vou…Vou…hi», dit le Bègue.

- «Sans oublier bien entendu la réfection du marché couvert !» reprit le Journaliste.

- «Réfection, vous voulez dire la reconstruction complète après destruction de l’ancien avec en plus la création de la future salle des fêtes à l’étage, et un troisième niveau pour accueillir des Assos et un logement de fonction, et un souterrain que certains ont oublié depuis et qui assure la jonction entre le marché et le parking question de rester à l’abris les jours de pluie. Je te dis pas le chantier et le tintouin pour que les commerçants du marché couvert, qui étaient une cinquantaine à l’époque, veuillent bien déménager et aller s’installer dans des baraquements en planches et tôles ondulées montés par les services techniques de la Mairie, en haut de la rue Montesquieu sur le terre-plein des allées, sous les platanes, comme dans un camp de nomades. Un marché fait de ripes et de râpes avec enrouleur de tuyau pour eau courante et guirlande de guinguette comme éclairage, en attendant la fin des travaux. Que certains qui, au moment de la réintégration dans le marché couvert flambant neuf, certains qui, après avoir tempêté et crié à la mort du p’tit commerce à l’époque, ne voulaient plus revenir au cœur de la ville, trouvant le nouveau campement bien plus convivial et visible. Mieux desservi pour  le chaland et que, comme dans le film « bien venu chez les Ch’tis », Ils pleurèrent deux fois ; la première pour y aller et la seconde pour en partir…Comme quoi ! Mais, pour revenir à sujet qui vous intéresse, je le confirme, il n’y avait pas plus de fontaine que de ….»